Amadou Tounkara : « Sous le régime de Sékou Touré, les faux complots étaient plus nombreux que les vrais »
Jeudi le 28 septembre dernier, l’ancien gouverneur et ambassadeur Elhadj Biro Kanté a soutenu au siège national du PDG-RDA l’existence des complots contre le pouvoir de Sékou Touré et menacer les victimes de ce régime. Après cette sortie publique, le responsable de la communication de l’association des victimes du camp Boiro (AVCBà, le Dr. Ahmadou Tounkara a accordé un entretien à Conakryinfos pour répondre à Elhadj Biro Kanté.
Conakryinfos : La Guinée a célébré le 28 septembre le 59e anniversaire du NON de la Guinée à la France du Général Charles de Gaulle. Que vous inspire cette date ?
Dr. Ahmadou Tounkara : Le 28 septembre est une joie pour nous, une fête pour l’AVCB et pour les victimes du camp Boiro qui furent des compagnons de l’indépendance, en 1958 ils étaient dans le groupe des compagnons. La première réussite des compagnons fut l’inclusion dans le projet du droit de l’indépendance des peuples, qui est un corollaire du droit de chaque homme à la liberté.
Il faut préciser que 1957 fut aussi l’année de l’indépendance du Ghana, ancienne colonie anglaise sous la direction de Kwame NKrumah dont les idées ne laissaient pas indifférent Sékou Touré.
Il faudrait rappeler que la promesse tenue aux tirailleurs sénégalais par la France aussi la présence des étudiants Africains en France ont influencé notre indépendance.
Conakryinfos : Lors de la célébration de cet anniversaire par le PDG-RDA à son siège de Camayenne, l’ancien gouverneur et ambassadeur Elhadj Biro Kanté a confirmé l’existence des complots sous la Révolution, pendant laquelle des milliers de Guinéens ont été physiquement éliminés. Qu’en dites-vous ?
Dr. Ahmadou Tounkara : Le président Sékou a géré le pays durant 26 ans avec une main de fer. Cette réussite était due à des stratégies : le verbe, la pénurie des biens de première nécessité et le complot permanent.
Aucune famille guinéenne n’a échappé à la terreur érigée en système de gouvernement. Le complot en Guinée a été l’appareil de destruction le plus efficace en Afrique. Parmi les complots sous le régime de Sékou Touré, les faux étaient plus nombreux que les vrais.
Les exécutions commenceront en 1959 à Conakry puis à Gueckedou.
Voici la liste des différents complots sous le régime de Sékou Touré :
1959-1960 : La rédaction d’un manifeste pour la création d’un parti est qualifiée de complot,
1961 : Le complot des enseignants, la rédaction d’un mémoire par le syndicat des enseignants. Un complot des arrestations,
1965 : dépôts au ministère de l’intérieur des statuts pour un parti, complot Petit Touré,
1969 : des agitations au camp militaire de Labé, complot Kaman Fodeba,
1970 : agressions militaires,
1976 : complot peulh,…
Conakryinfos : Plus loin, en faisant allusion à l’AVCB, Elhadj Biro Kanté menace de « bruler la bouche » de toute personne qui nierait l’existence de ces complots contre le régime de Sékou Touré.
Dr. Ahmadou Tounkara : A la mort du président Sékou Touré, les forces armées ont pris le pouvoir. Des avantages, nous sommes des citoyens, nous ne sommes plus que des militants. Le droit à la liberté pour l’individu est défendable aujourd’hui. Les libertés publiques existent. Il existe d’autres partis que le PDG. Les institutions républicaines sont sur place dont des institutions de défense des droits de l’homme. La torture sous toutes ses formes est interdite. J’ai droit à un avocat pour me défendre. Donc, j’ai une protection.
Conakryinfos : Aujourd’hui, que veulent réellement les victimes de camp de Boiro que vous êtes ?
Dr. Ahmadou Tounkara : Permettez-moi de vous énoncer nos revendications qui sont les suivantes :
– la reconnaissance des torts et la justice pour toutes les victimes du système AST ;
– l’identification et la declassification de tous les charniers où sont enfouis les corps de ces martyrs Guinéens ;
– leur restitution par l’Etat guinéen à leurs familles afin qu’elles puissent leur offrir des sépultures dignes de nos coutumes et traditions ;
– la declassification par l’Etat de la partie carcérale du camp Boiro et son affectation à l’AVCB afin qu’elle puisse en faire un siège et y construire un mémorial digne de la mémoire des martyrs ;
– la prise en charge médicale et sociale des survivants des camps de la mort du système AST ;
– la restitution de tous les biens saisis ou volés ;
– un processus national pour faire ressortir la vérité sur les années noires de notre pays ;
– un processus de justice et de réhabilitation historique afin que la formation de la jeunesse se base désormais sur les faits réels de cette période trouble de notre pays ;
– un processus de réconciliation nationale qui comprendra la parole largement donnée aux victimes et aux bourreaux dans toutes les préfectures du pays.
Conakryinfos : Merci Dr.
Dr. Ahmadou Tounkara : C’est moi qui vous remercie.
Entretien réalisé par Boua Kouyaté
Tel : 669 85 20 20