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Mamoudou Keita : « Aussi bien que les épidémies, les accidents de la route ont un caractère évitable »

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mamoudou-keita-president-de-lobsermu-1[dropcap]L[/dropcap]’Observatoire guinéen de la sécurité routière et de la mobilité urbaine (Obsermu) est une ONG de droit guinéen appartenant à la Société civile. Avec la croissance exponentielle du nombre d’accidents de la circulation tant sur les routes de Conakry que de l’arrière-pays, il ne reste pas de marbre sans interpeller les autorités et les usagers de ces voies sur ce qui devrait caractériser ceux-ci.

Par la voix de son président, le sociologue professionnel Mamoudou Keita, cette structure de veille, de surveillance, d’alerte, de proposition et d’action avec pour objectif, de réduire la mortalité sur la route et promouvoir une mobilité sûre pour l’ensemble des usagers dresse un bilan funèbre très mitigé, avant d’énumérer quelques indices à la base de ces accidents. Interview.

 

Conakryinfos.com : Vous êtes le président de l’Obsermu, dites-nous c’est quoi cette structure et qu’est qui a motivé sa mise sur pied ?

Mamoudou Keita : L’Observatoire guinéen de la sécurité routière et de la mobilité urbaine (Obsermu) est une ONG de droit guinéen qui appartient à la société civile. C’est une structure de veille, de surveillance, d’alerte, de proposition et d’action avec pour objectif, de réduire la mortalité sur la route et promouvoir une mobilité sûre pour l’ensemble des usagers.

C’est le constat amer et indignant face à la fréquence et le bilan lourd des accidents sur nos routes qui nous a amené à créer cette structure. Nous relevons des Organisations non gouvernementales, mais nous tenons beaucoup à notre statut particulier d’observatoire, car contrairement aux autres ONG, nous ne nous cantonnons pas simplement sur la sensibilisation. Vous savez, la sensibilisation en soi n’est jamais un objectif, ni même une finalité ; c’est plutôt un des moyens pour atteindre l’objectif fixé. Or, en matière de sécurité routière, le suivi par des statistiques fiables est aussi un moyen très efficace. Parce que, ça nous donne des leviers d’action et nous oriente vers des cibles précises à sensibiliser. C’est pourquoi, la 1re mission de l’Obsermu est la mise en place d’un système de données fiable qui consiste à collecter, analyser et diffuser les statistiques sur les accidents de la circulation.

En tant qu’Observatoire, quel bilan dressez-vous des accidents de la circulation depuis le 1er janvier 2016 ?

Je dois vous dire que le bilan est alarmant. Comme vous avez pu voir dans notre 1er rapport de situation sur la sécurité routière en Guinée, publié en juillet dernier, du 1er janvier au 30 juin, c’est-à-dire les six premiers mois de 2016, nous avons enregistré 103 tués et plus de 200 blessés graves dont des traumatisés et autres handicapés à vie. Et très malheureusement, la tendance est nettement à la hausse. Depuis le 1er juillet à ce jour (1er septembre, date à laquelle l’interview a été réalisée, Ndlr), il y a déjà 58 morts sur nos différentes routes. Cela représente 56% de hausse en seulement 2 mois par rapport au bilan du 1er semestre. C’est énorme et inquiétant!

 

A votre avis, quels sont les facteurs qui favorisent la survenue de ces accidents ?

D’abord de façon générale, nous n’avons cessé de relever qu’un accident est le résultat d’un dysfonctionnement du système triptyque (homme-véhicule-route). Mais la composante humaine, c’est-à-dire le comportement de l’homme est la plus prépondérante. L’excès de vitesse, le sens interdit, les dépassements dangereux, le refus de priorité, le mauvais stationnement, la consommation de l’alcool ou d’autres stupéfiants drogue, la fatigue accumulée, etc. sont autant de facteurs à risque imputables à nous les hommes et qui endeuillent chaque jour des familles. Ensuite, sur la hausse exponentielle du bilan pour ce début du 2e semestre de l’année, sachez que l’arrivée de la saison des pluies (avec chaussée glissante et visibilité réduite) est forcément une dimension à prendre en compte. Et l’Obsermu avait d’ailleurs attiré l’attention sur ce « facteur de risque supplémentaire ».

Aujourd’hui, les routes guinéennes sont en passe de ravir la vedette aux épidémies. Puisque pas une semaine ne s’écoule sans que d’accidents –le plus souvent mortels– ne soient enregistrés à travers le pays. Votre perception de la situation ?

Vous avez parfaitement raison et c’est triste d’ailleurs. Car, aussi bien que les épidémies, les accidents de la route ont un caractère évitable. Malheureusement, en Guinée, l’émotion est toujours grande quand il y a un accident. Mais derrière, la prise de conscience et la mobilisation pour la prévention demeurent insuffisantes. Or, c’est le seul moyen pour réduire cette hécatombe sur nos routes.

Au regard de la fréquence des accidents, vous avez forcément un message à l’endroit des autorités, des conducteurs et autres usagers de la route ?

Je dis encore une fois qu’on peut largement réduire la fréquence et la gravité des accidents de la route en Guinée. Mais il faut donner à la sécurité routière la place qu’elle mérite dans nos politiques publiques et comportements de tous les jours. D’abord, il n’y a pas de sécurité routière sans « routes sûres » et cela commence depuis la conception de l’ouvrage. C’est incompréhensible qu’on continue aujourd’hui à construire des routes dans notre pays comme il y a 30 ou 40 ans en arrière, avec peu de normes de sécurité. Les 2 pénétrantes de Conakry – (à savoir par km36 et par Sonfonia, sans échangeurs, ni passerelles pour piétons…) – en font foi. Ensuite, il n’y a pas de sécurité routière sans véhicules techniquement en bon état. Dans notre pays, on tergiverse toujours là-dessus et ce n’est malheureusement pas de bon augure. Enfin, il n’y a évidemment pas de sécurité routière sans conducteurs bien formés et au-delà, sans usagers de la route responsables avec des comportements civiques et sans rigueur dans l’application de la réglementation.

Merci M. Keita

C’est moi qui vous remercie.

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