[dropcap]D[/dropcap]epuis quelques années en Guinée, on assiste à une montée en puissance d’une certaine forme de fondamentalisme religieux appelée wahhâbisme. Les adeptes de ce rigorisme prônent une foi forgée sur une vision très conservatrice. Cela a notamment engendré une forte limitation du droit des femmes
Reconnaissables par leur habillement noir et entièrement voilées de la tête aux pieds, pour les femmes, filles et fillettes, ce phénomène qu’on ne voyait que dans certaines régions de la Guinée, commence à se répandre en Basse Guinée tout récemment. Ses adeptes imposent plus ou moins leur doctrine et leur dogmatisme à leur famille.
Dans la ville de Fria, située à 150 km de Conakry, une femme a failli faire les frais de ces fous de Dieu. Son crime : avoir osé changer de religion, il y a environ 2 ans.
Mariée à un chrétien depuis presque 20 ans et mère de 4 enfants, elle avait cru bien faire en se convertissant de son plein gré selon ses termes. Même si elle est issue d’une famille musulmane et dont les parents sont connus pour pratiquer un islam modéré et tolérant, son geste reste incompréhensible pour certains, voire offensant pour l’Islam.
Aux yeux de ces fondamentalistes, cette apostasie est un acte impardonnable devant Dieu et les hommes, et qu’il faut punir. Cette femme aurait reçu maintes fois des menaces de mort, des harcèlements par les adeptes et surtout d’un des prédicateurs wahhabite. Ce grand marabout très connu à Fria pour ses prêches et dont la Mosquée ne désemplit jamais, aurait lancé une fatwa contre elle. Pour des raisons de sécurité, nous tairons son nom.
La menace est évidemment à prendre très au sérieux. Boko Haram, Aqmi et la plupart des groupes islamiques armés qui ont sévi dans le Nord du Mali, rêvent d’étendre leur Jihad à l’ensemble de la sous-région et de convertir à leur doctrine tous ceux qui y vivent. Et la Guinée, par sa vulnérabilité, constitue une proie facile. Ce qui a fait mettre en alerte les forces de sécurité le long de la frontière avec le Mali. Un imam pratiquant un islam radical a même été récemment arrêté dans le Foutah.
Il semblerait que cette femme aurait quitté la Guinée pour échapper aux menaces. Ne supportant pas toute cette pression, son père aurait même succombé à une crise. Cette affaire peut sembler isolée, mais des cas similaires seraient en hausse même si les Guinéens, dans leur immense majorité, observent un islam tolérant et respectueux des opinions d’autrui.
Dans un discours prononcé devant des étudiants, le Président Alpha Condé évoquait la menace et promettait de se pencher sur le sujet qui alimente les débats.
Avec cette sortie médiatique du chef de l’Etat, l’on est tenté de se demander si les femmes voilées ne seront pas menacées désormais dans leur société.
Ahmed Kaba